samedi 1 janvier 2011

Les Ténébreuses - Gaston Leroux.


A la cour du tsar Nicolas II, Raspoutine est considéré comme un homme de Dieu, un saint, presque un nouveau Christ. Il a des dons de guérisseur qu'il a démontrés en rendant la santé au tsarévitch malade, et conscient de l'ascendant qu'il a sur les femmes de la cour, il compte bien obtenir leur rédemption, en les incitant à pécher avec lui, et à se purifier au cours de messes secrètes. Le grand duc Ivan n'est pas dupe de l'imposture du Nouveau, comme on l'appelle. Poussé par la curiosité, il veut assister à l'une des messes noires de Raspoutine et de ses Ténébreuses. Mais, horreur, il est découvert, pourchassé par les femmes en furie, parmi lesquelles sa mère, et contraint de fuir le palais impérial. Avec l'aide de la danseuse Hélène, il organise sa fuite, emmenant avec lui Prisca, une jeune fille de condition modeste qu'il aime, bien qu'il ait été promis malgré lui à la fille du prince Khirkof.

Voilà un roman en deux tomes de Gaston Leroux que je ne connaissais pas du tout, et que j'ai découvert par hasard en cherchant des livres à mettre sur mon beau Reader tout neuf (Louis pour les intimes =p). C'est donc le premier livre que j'ai lu en format numérique, et pour tout dire, j'ai été agréablement surprise de voir que la lecture était aussi agréable sur un écran de Reader que dans un livre normal. De ce côté là, donc, rien à dire.

Concernant l'histoire... j'ai retrouvé avec plaisir la plume de Leroux qui, quelle que soit l'histoire racontée, ne me déçoit jamais. Sachant que Leroux lui même connaissait la Russie pour y avoir séjourné, la précision de son vocabulaire et de ses descriptions de l'atmosphère, des lieux, des coutumes, des manières russes est très agréable et ces détails donnent toute sa saveur à l'histoire qu'il fait vivre dans le décor ainsi planté. Le seul bémol étant que Leroux usant volontiers de termes russes, la traduction donnée directement entre parenthèse des mots en question vient parfois alourdir le rythme des phrases et couper le texte, ce que je trouve dommage. Mais ce souci disparaît au fur et à mesure que l'on se familiarise avec les termes en question et que ces précisions de vocabulaire se raréfient. Leroux encore une fois alterne entre plusieurs style, de la narration haletante au présent de l'indicatif, à des scènes tragiques, ou pathétiques, les descriptions horrifiées des pratiques des Ténébreuses ou la poésie associée à la datcha du bonheur de Prisca et Ivan.

L'histoire en elle-même est menée tambour battant du début à la fin. J'avoue avoir eu du mal au début à savoir où elle allait me mener. Elle semble d'abord se centrer plus spécifiquement sur les évènements qui ont lieu au palais impérial dans l'entourage du tsar, et sur les agissements de Raspoutine. Dès le moment où Ivan fuit avec Prisca, il s'avère en réalité que l'intrigue va tourner autour de la romance de ces deux personnages et que les Ténébreuses auront une incidence dans l'histoire essentiellement dans la mesure où elles viendront contrarier cette idylle. Parallèlement on explore également les implications politiques des agissements de Raspoutine et les intrigues qui se nouent autour de lui dans la haute société russe. La corruption et les vices qui y règnent présentent un contraste assez saisissant avec la pureté qui caractérise la romance de Prisca et Ivan, une pureté qui frôle parfois la mièvrerie mais qui rend encore plus horrible, par contraste, les drames qui les frappent.

J'ai été assez contente de ne pas me trouver complètement en terrain inconnu, puisque j'ai retrouvé plusieurs éléments déjà présents dans Rouletabille chez le Tsar, à commencer par le répugnant Gounsowski, le chef de la police secrète (il y a même une très rapide allusion à l'affaire Trébassof.). Mais si le ton de Leroux était plus léger, parfois trop avec Rouletabille, ici on a clairement affaire à un drame. Les touches d'humour sont rares, même l'humour noir, et peu de personnages en dehors des héros sont réellement sympathiques. J'ai beaucoup aimé le personnage de Nicolas II, qui finalement nous touche par sa solitude et la crainte toute naturelle qu'il éprouve face à la mort. Le fait de connaître le sort qui a finalement été réservé au souverain dans l'Histoire renforce d'autant plus le tragique de sa situation. J'ai aussi beaucoup aimé le personnage sublime de la Kouliguine. Quant à Prisca, au premier abord, elle peut sembler fragile, dépendante et un peu naïve, mais elle révèlera en réalité une remarquable force de caractère.

Finalement, j'ai beaucoup apprécié cette lecture, particulièrement le second tome qui est très riche en rebondissement et plus intense que le premier. Le style de Leroux combiné à une intrigue russe ne pouvait que me séduire, naturellement ^^.

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