vendredi 25 mars 2011

Hector Servadac - Jules Verne


Tandis qu'ils sont tous les deux en poste à Mostaganem, le capitaine Servadac et son ordonnance, Ben-Zouf, se retrouvent pris au coeur d'un événement des plus singuliers. Une comète, effleurant la Terre, a emporté dans sa course quelques parcelles de la planète, incluant celle où logent les deux militaires, et avec elles toute une petite communauté d'origines disparates. Russes, français, Italiens, Espagnols vont devoir organiser la vie à bord, pour un voyage de deux ans à travers le monde solaire.

Voilà un livre que j'ai pris beaucoup de plaisir à relire, même si j'ai un peu plus de réserve sur ce Jules Verne que sur pas mal d'autres que j'ai pu lire. Je ne le conseillerais pas pour débuter avec cet auteur, par exemple, principalement parce qu'une bonne partie du roman est consacrée à des considérations d'ordre cosmographique, parfaitement passionnantes en soi, mais qui peuvent vite devenir rébarbatives, si l'on s'attend à avoir autant de rebondissements que dans Le Tour du Monde en 80 jours ou 20 000 lieues sous les Mers, par exemple.

En revanche, pour les Jules Verniens un peu avertis et habitués aux digressions savantes de l'auteur, ce livre reste une lecture très agréable. Si les considérations scientifiques sont légions, Jules Verne trouve toujours le moyen de les alléger, en introduisant dans l'assistance un personnage ignorant qui justifie la simplification des informations et les commente à sa manière, souvent très drôle (je sais que ce procédé est également utilisé dans Autour de la Lune, avec le personnage de Michel Ardan, qui rend la scène des calculs savants de Nicholl et Barbicane parfaitement tordante ^^). Il s'agit ici en l'occurrence de Ben-Zouf, un personnage fort attachant et drôle, qui apporte un peu de fraîcheur à une histoire dont l'intrigue est somme toute assez froide et linéaire dans l'ensemble.

Car le voyage de la comète est avant tout, semble t-il un prétexte à faire étalage de connaissances détaillées sur le monde solaire, et sur les connaissances cosmographiques de l'époque. Jules Verne fait preuve d'une telle précision que l'on ne peut que l'imaginer très bien documenté sur la question, mais toutes ces digressions scientifiques viennent parfois étouffer un peu le reste du récit, ce qui est dommage. Parmi les personnages, fort peu, sur l'ensemble de la petite communauté sont réellement saillants, que ce soit en bonne ou mauvaise part. je retiens particulièrement Ben-Zouf, qui me fait beaucoup rire, l'irascible Palmyrin Rosette, ou encore le détestable Isac Hakhabut. La petite Nina également apporte à l'ensemble une touche de fraîcheur, le lieutenant Procope, en gardant toujours la tête froide, se démarque également. Mais les autres personnages m'ont semblé un peu interchangeables, y compris le capitaine Servadac et le comte Timascheff (je me suis surprise plus d'une fois à confondre involontairement les deux personnage sans que cela ne gêne immédiatement ma lecture...)

En dehors de quelques-un de ses personnages, Jules Verne donne a dessein dans Hector Servadac une grande place aux stéréotypes liés aux différentes nationalités présentes sur la comète: le flegme anglais est ici poussé à son comble, au point qu'il en devient fort drôle, et Jules Verne joue énormément sur ces clichés pour ajouter à son récit des touches d'humour qui allègent très heureusement une histoire qui pourrait sans cela devenir assez lourde à suivre. Le seul cliché employé négativement, mais typique de l'époque du roman, est celui du Juif, Isac Hakhabut, qui concentre à lui seul tous les vices: avarice, cupidité, malhonnêteté, perfidie, j'en passe et non des moindres. Ce triste sire représente néanmoins un élément perturbateur qui ajoute un peu de remous à l'aventure du capitaine Servadac et de ses compagnons.

On pourrait croire en lisant ma chronique que ce livre est ennuyeux à mourir. Il aurait pu, mais étrangement, pas du tout. J'ai du mal à accrocher pour ma part à la première étape d'exploration de la comète, où finalement il ne se passe pas grand chose. Mais l'intérêt se retrouve avec l'installation de la petite colonie, les moyens mis en oeuvre pour la survie, les menaces qui pèsent sur les habitants, les excentricités de Palmyrin Rosette ou encore d'Isac Hakhabut. Sans compter que, en dehors du côté déjà hautement fantaisiste de l'histoire en elle-même, la narration de Jules Verne est assez légère et assez drôle pour que l'ensemble du livre passe parfaitement. Parmi les aspects qui me font le plus rire, il y a l'attachement forcené de Ben-Zouf pour sa butte Montmartre, et le conflit qui l'oppose à Palmyrin Rosette à ce sujet. Le seul bémol porte vraiment sur les longues digressions scientifiques (tout de même souvent allégées par la présence de Ben-Zouf), et sur le long moment d'exploration qui suit la rencontre de la comète avec la Terre (et vous allez dire que je parle toujours de lui, mais cette longueur est sans doute due à l'absence de Ben-Zouf =p).

Bref, je ne conseillerais pas ce livre pour découvrir Jules Verne, principalement en raison de son intrigue assez lente, et la prépondérance des digressions cosmographiques, mais je ne le déconseillerais pas à quelqu'un déjà familier de la prose de cet auteur, et habitué à sa manière d'écrire. L'action assez lente est rendue beaucoup plus vivace par l'humour qui parsème tout le récit, et par l'intervention de personnages hauts en couleurs, malgré des aspects souvent caricaturaux.

Une petite citation pour finir (en hommage à Ben-Zouf qui est décidément mon personnage préféré ^^)

« Ben Zouf avait voyagé. A l'entendre, il n'avait jamais vu, en n'importe quel pays, que des Montmartres, plus grands peut-être, mais à coup sûr moins pittoresques. Montmarte, en effet, n'a t-il pas une église qui vaut la cathédrale de Burgos, des carrières qui ne le cèdent point à celles du Pentélique, un bassin dont la Méditerranée serait jalouse, un moulin qui ne se contente pas de produire une vulgaire farine, mais des galettes renommées, une tour Solférino qui se tient plus droite que la tour de Pise, un reste de ces forêts qui étaient parfaitement vierges avant l'invasion des Celtes, et enfin une montagne, une véritable montagne, à laquelle des envieux seuls osaient donner l'humiliante qualification de « butte »? On eût haché Ben-Zouf en morceaux plutôt que de lui faire avouer que cette montagne ne mesurait pas cinq mille mètres de hauteur!
Où rencontrerait-on donc, dans le monde entier, tant de merveilles réunies sur un seul point?
« Nulle part! » répondait Ben-Zouf à quiconque s'avisait de trouver son opinion légèrement exagérée. »

Premier livre lu dans le cadre du Challenge ABC- Fantasy/Bit-lit, avec la lettre V!






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