dimanche 7 janvier 2018

The Handmaid's Tale - Margaret Atwood


Dans un futur proche, la république de Gilead est régie par un système de castes strict, où chacun a son rôle : Commanders, Marthas, Eyes... et les Handmaids, comme Offred. Leur rôle est de n'être qu'un corps, un incubateur destiné à porter des enfants à la place des épouses. Désormais étrangère à son propre corps, Offred tâche de résister intérieurement, en se remémorant sa vie passée, celle où elle avait une famille, une fille et sa liberté...

J'entendais parler de ce livre depuis très longtemps, c'est même un des livres dont j'ai le plus entendu parler en 2017, notamment à cause de la série TV (que je n'ai pas encore vue.) Et c'est un coup de cœur pour cette première expérience avec Margaret Atwood. J'ai dévoré ce livre, notamment dans la deuxième moitié, et je suis restée toute retournée après l'avoir refermé. C'est un récit poignant, terrifiant, porté par une plume magistrale qui retransmet magnifiquement les efforts d'Offred, la narratrice, pour mettre des mots sur ses sentiments, recapturer des souvenirs qui la font souffrir et en même temps l'aident à ne pas complètement perdre pied.

L'univers décrit par Margaret Atwood est d'autant plus glaçant qu'il ne s'agit pas d'une dystopie bien ancrée, installée depuis si longtemps que plus personne ne se rend compte de ses failles. Au moment où Offred raconte son histoire, la république de Gilead n'a que quelques années d'existence, quelques années qui ont suffi à dépouiller les femmes de tous leurs droits, sous le prétexte de les protéger. Effectivement, les violences envers les femmes, notamment les femmes fertiles, qui sont de plus en plus rares, sont punies de manière atroce. Mais à quel prix ? Car si en effet, les femmes jouissent d'une relative sécurité (en tout cas, tant qu'elle obéissent aux règles…) c'est au prix de leur libre-arbitre et de tout ce qui fait d'elles des êtres humains.

On peut arguer qu'il ne se passe pas grand chose dans ce roman, et en effet, en termes d'action pure, on n'est pas dans du roman d'aventure. Offred n'est pas une résistante, en tout cas pas activement. Elle fait de son mieux pour suivre les règles, faire profil bas, survivre en espérant que le cauchemar cesse un jour. Tout l'intérêt du roman réside dans cette découverte progressive du fonctionnement de la république de Gilead, qui ne nous est pas donné d'emblée, et surtout dans le contraste avec les souvenirs d'Offred, qui nous permettent de reconstituer petit à petit le déroulement des événements qui ont permis d'en arriver là. On constate avec horreur que tout n'est pas arrivé d'un coup, que les choses se sont dégradées petit à petit au vu et au su de tous, et que personne n'a vraiment réagi jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Cela rend le roman de Margaret Atwood terriblement plausible, et d'autant plus plausible qu'Offred pourrait être n'importe quelle femme (son véritable nom ne nous est d'ailleurs jamais donné, sans doute à dessein.)

La culture du viol, le slut-shaming, le droit à l'avortement et plus largement à disposer de son corps comme on l'entend… tout cela est abordé d'une manière ou d'une autre dans ce roman et donne à réfléchir, jusqu'à l'usage de la langue, qui est déconstruit par endroits pour donner à voir le pouvoir des mots, et la manière dont le langage peut-être utilisé pour manipuler la pensée. En ce sens, j'ai parfois eu des réminiscences de George Orwell et sa Novlangue dans 1984. J'ai également trouvé particulièrement vicieux que ce soient des femmes, les Aunts, qui soient chargées de "formater" les Handmaids, de les faire rentrer dans le rang, preuve que l'on n'est pas exempt d'avoir des comportement oppressifs même envers son propre genre.

Mais The Handmaid's Tale est également un roman poignant et bouleversant. Le retour constant d'Offred vers son passé, non seulement celui d'avant Gilead mais aussi celui du tout début, avec les autres Handmaids et notamment son amie Moira, qui n'a jamais pu se plier aux nouvelles règles instaurées, tout cela nous fait ressentir avec d'autant plus d'acuité son désespoir et sa résignation. On se met à sa place, et si cela nous arrivait ? et cela donne encore plus envie de lutter pour les droits des femmes qui sont aujourd'hui encore bafoués à travers le monde, de manière flagrante ou parfois beaucoup plus insidieuse.

Bref, c'est vraiment un coup de cœur pour ce roman qui m'a beaucoup touchée, voire souvent révoltée. On ne peut s'empêche de se mettre à la place d'Offred, de chercher à comprendre comment tout cela a pu arriver, d'essayer de reconstituer les événements à partir des bribes de souvenirs qu'elle partage, et des éléments de sa vie quotidienne. On tremble avec elle, on a parfois envie de pleurer ou de hurler avec elle, et la plume de Margaret Atwood, qui est maîtrisée et travaillée avec beaucoup de finesse, retranscrit à merveille toute la palette d'émotions de son personnage principal. Je suis enchantée d'avoir enfin lu ce roman, et ce n'est certainement pas ma dernière expérience avec cette autrice !

Citation :
"Nothing changes instantaneously: in a gradually heating bathtub, you'd be boiled to death before you knew it. There were stories in the newspapers, of course, corpses in ditches or the woods, bludgeoned to death or mutilated, interfered with, as they used to say, but they were about other women, and the men who did such things were other men. None of them were the men we knew. The newspaper stories were like dreams to us, bad dreams dreamt by others. How awful, we would say, and they were, but they were awful without being believable. There were too melodramatic, they had a dimension that was not the dimension of our lives.
We were the people who were not in the papers. We lived in the blank white spaces at the edges of print. It gave us more freedom.
We lived in the gaps between the stories."


Un livre lu dans le cadre du challenge ABC - Littératures de l'Imaginaire

du challenge Coupe des Quatre Maisons

et du challenge Bonnes Résolutions


4 commentaires:

  1. Décidément, tu me fais regretter de l'avoir lu traduit. Je crois que cette "langue" n'avait pas été bien faite dans la traduction
    Contente que tu aies apprécié!

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    1. J'avoue que je n'ai pas du tout regardé la traduction et je ne sais pas ce qu'elle vaut, mais c'est vrai que le style de Margaret Atwood n'est pas facile à rendre de manière harmonieuse en français. Cela dit, la VO n'est pas des plus simples, il faut quand même avoir un peu de bouteille dans la lecture en anglais pour pouvoir apprécier, je pense ^^. Merci de ta visite :D !

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  2. J'ai vu la série, très poignante aussi (avant de lire le roman, honte à moi ?). Je reste très intriguée sur le roman éponyme et tu me confirmes qu'il est bouleversant. Je compte bien le lire d'ici peu !

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    1. Je n'ai toujours pas vu la série, mais j'ai vraiment eu de très bons retours dessus, donc je suis curieuse de voir comment le récit a été transposé à l'écran ^^. J'espère que tu apprécieras le roman autant que moi ! Merci de ta visite :D !

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