vendredi 1 juin 2018

Les Lumières de Haven - Pauline Bock


Alors qu’ils préparent le bac, cinq adolescents sont projetés dans l’univers merveilleux de Haven, un monde parallèle volontairement bloqué au XVIIIe siècle. Old Jack, l’Intendant, règne en despote éclairé sur ce havre de paix…
Mais un personnage mystérieux menace de révéler un secret millénaire qui pourrait faire exploser ce fragile équilibre et transformer ce paradis en un enfer de guerre, de feu, de sang…
Que peuvent faire les cinq Arrivants pour éviter ce cataclysme ? Quelles créatures terribles devront-ils affronter ? Quel mystère entoure la disparition des premiers habitants légendaires de Haven ?
Amour, complots, suspense, guerre se mêlent dans une aventure romanesque parfaitement maitrisée.

Je dois bien avouer que j'étais plutôt confiante en entamant ce roman, d'une part parce que la couverture est magnifique (oui, je sais ça ne veut rien dire, mais bon, quand le livre met de bonne humeur dès la couverture, c'est quand même déjà bien) et ensuite parce que c'est édité chez Scrinéo, chez qui j'ai lu de très bonnes choses (et aussi de moins bonnes, mais c'est le jeu.) Je m'étais un peu méfiée en apprenant que l'autrice avait imaginé ce roman au lycée (en dehors de quelques rares exception, c'est loin d'être un gage de qualité, selon moi) mais j'ai tâché de passer outre ces vilains préjugés pour profiter de ma lecture. Malheureusement, le roman de Pauline Bock ne m'a pas entièrement convaincue, et c'est d'autant plus frustrant que le potentiel est là, et qu'avec un récit et une écriture un peu plus matures, j'aurais vraiment adoré me plonger dans l'univers de Haven.

Je ne dis pas que je n'ai rien aimé du tout dans ce roman, loin de là. J'ai apprécié découvrir Haven et la Falaise à travers les yeux de Julien, Lise, Charlotte, Myriam et Andrea. J'ai trouvé le personnage de Fennec assez adorable et attachant, et je me suis amusée à essayer de comprendre les secrets d'Old Jack, le destin des Anges ou les véritables desseins d'Equinoxe.

Malgré tout, j'ai été sortie de l'histoire plus d'une fois, par des maladresses de style, des erreurs de mise en forme ou encore des absurdités dans la narration. Typiquement, la mention d'éléments avec un pronom défini sans qu'ils aient été introduits auparavant (le pronom défini ayant une valeur anaphorique, j'ai plus d'une fois dû interrompre ma lecture pour rechercher où l'élément en question avait été mentionné pour la première fois, souvent pour me rendre compte qu'il n'avait pas été mentionné du tout)

Cela va même plus loin, parfois, avec des informations qui arrivent carrément comme un cheveu sur la soupe. Le nom de l'un des personnages se retrouve très naturellement dans la bouche de l'une des protagonistes, alors qu'il n'en a jamais été question jusque là, et que les mêmes protagonistes ne découvriront son existence que quelques chapitres plus loin. Dans d'autres cas, on fait références à des faits mentionnés auparavant, mais trop brièvement pour être marquants (par exemple la "haine" de Trystan pour Fennec, mentionnée au coin d'une phrase, oubliée aussitôt et jamais traduite dans les interactions des deux personnages. Quand on nous explique enfin la raison de cette prétendue antipathie, on a totalement oublié qu'elle était censée exister). À l'inverse, parfois, les personnages semblent tomber des nues en découvrant quelque chose qu'il·elle·s ont déjà appris deux pages plus tôt. Tout cela me laisse penser que le texte a subi des remaniements lors de l'écriture, mais que le contenu n'a pas toujours été modifié en conséquence.

Je passe sur les (trop nombreuses ?) erreurs de typographie et de mise en page (tirets manquants dans les dialogues, sauts de lignes intempestifs et autres joyeusetés) ou les absurdités grammaticales ("nous devinrent", sérieusement ??) Cela fait partie des choses qui m'ont empêchée de m'immerger dans la lecture, mais même sans cela, le style est un peu lourd, notamment au début, et surtout, il conserve un style très "scolaire" : les dialogues manquent de naturel, les efforts de l'autrice pour employer tous les synonymes possibles et imaginables du verbe "dire" sont louables, mais pas toujours des plus heureux. Sans compter les envolées lyriques et le pathos parfois outrancier de certaines scènes qui m'ont souvent laissée de marbre.

D'une manière générale j'ai eu l'impression de rester en surface tout au long du roman : en surface de l'univers, en surface des relations entre les personnages, en surface des enjeux du récit. Beaucoup d'éléments du roman ne font pas avancer du tout l'intrigue ou ne sont qu'un prétexte à des digressions érudites sur des sujets variés. Très souvent, le récit préfère dire que montrer et le rythme s'en ressent cruellement, notamment pendant les deux premier tiers du roman.

Enfin, l'antagoniste, Equinoxe, est d'une fadeur sans nom, et paradoxalement est rendu encore plus fade par le semblant d'ambivalence que l'autrice a tenté de lui apporter. Mais c'est un défaut dont souffrent à peu près tous les personnages du livre : les héros sont cinq, tou·te·s accompagné·e·s d'un animal, ce qui fait que, même si l'on sent que l'autrice a essayé de donner une personnalité et une importance à chacun·e, il·elles·s se résument à un ou deux traits de caractère principaux, et restent assez monolithiques tout au long du roman. Je pense qu'on aurait pu sans problème se passer des Égaux qui (en dehors peut-être d'un seul) n'appportent pas grand chose au récit et surchargent l'attention du lecteur de noms et d'informations peu pertinentes (d'autant plus que sur les cinq animaux, trois sont des félins ce qui n'aide pas non plus à la différenciation.)

Malgré tout, je n'ai pas non plus totalement détesté ce livre, je l'ai même lu sans trop de déplaisir. J'ai même été surprise à quelques reprises et la deuxième partie du roman, si elle part un peu dans tous les sens par moments, m'a un peu plus tenue en haleine que le début. Au fur et à mesure que l'histoire avance, si les erreurs de forme ne disparaissent pas, le style devient un chouïa plus fluide, les enjeux plus tangibles, et l'on finit tout de même par se laisser porter. La fin, sans être complètement inattendue, m'a parue assez appropriée et en accord avec le reste du récit (bien qu'un peu gnan-gnan, il faut bien le dire.)

Bref, c'est un avis en demi-teinte, dans l'ensemble, pour ce roman, et si une partie du problème vient peut-être d'un travail de relecture et d'édition un peu inégal, je pense surtout que le roman aurait gagné à être mûri pendant quelques années supplémentaires. On y sent tous les défauts d'une jeune autrice qui a voulu dire beaucoup trop de choses et a fini par se disperser. C'est dommage car je ne pense pas que ce soit l'imagination qui fasse défaut à Pauline Bock, comme en témoigne son univers, et si elle écrivait un jour un autre roman (voire une suite à Haven, ça ne me semble pas inenvisageable) je pense que je le lirais volontiers, malgré tout.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire