La Forêt des Mythagos - Robert Holdstock

George Huxley a toujours vécu en bordure du bois de Ryhope, se livrant a des études mystérieuses sur les étranges apparitions qui naissent parmi les arbres, et négligeant son épouse et ses deux enfants.

Lorsque Steven Huxley revient après plusieurs années dans la maison de son enfance, il est surpris de constater que son frère Christian est également rongé par l'étrange obsession de son père Peu à peu, il va découvrir que les bois de Ryhope regorgent de créature mythiques, nées de l'imagination de l'homme: les mythagos.

J'avoue avoir été complètement séduite par cette espèce de curiosité un peu inclassable, à la limite de la fantasy, du fantastique et de la SF. C'est étrangement un livre qui tient beaucoup plus par son atmosphère que par son action ou ses personnages. Il s'en dégage en effet une ambiance saisissante, un peu angoissante, surtout due au fait que l'on assiste de l'intérieur à la progression de l'emprise de la forêt de Ryhope sur le personnage principal.

Outre l'énigme qui plane autour du bois de Ryhope, on voit également intervenir un drame familial, dans le conflit de Steven Huxley, entre l'amertume causée par l'indifférence de son père, qui le pousse à ignorer ses recherches, et malgré tout le pouvoir de la forêt qui l'affecte et l'attire malgré lui. Quelques pages du carnet de George Huxley, qui parviennent à expliquer certains phénomènes tout en restant obscures et énigmatiques, permettent de montrer à quel point son obsession de la forêt a affecté ses relations avec sa famille, mais également à quel point il en est conscient.

Cette amertume et ce refus tacite de suivre les traces de son père font qu'au début, Steven reste toujours distant par rapport au phénomène des mythagos, et leur apparition est toujours étrange, imprévisible, voire un peu effrayante. Ce sont des phénomènes surnaturels qui parsèment une existence qui essaye de se croire normale et cela crée un sentiment de malaise, de désorientation. Puis, peu à peu, Steven s'y habitue, et même s'il essaye de s'en défendre, on sent qu'il est peu à peu rattrapé par la fascination de la forêt qui a perdu son père et son frère, une fascination matérialisée par son histoire d'amour improbable avec Guiwenneth, dont l'apparition pose une nouvelle énigme.

Guiwenneth est également un personnage très intriguant, dans la mesure où elle est un mythago bien réel, un personnage de légende qui entre dans l'univers de Steven et le fait passer de l'ignorance à l'acceptation. La tension subsiste dès lors dans le fait qu'une menace plane sur le couple, on se doute que ce qui a déjà perdu Christian risque fort de perdre également Steven. On s'interroge de plus sur le conflit que risque de soulever Guiwenneth entre les deux frères, et sur la question de savoir de qui elle est la création.

Durant une grande partie du livre, la forêt reste au coeur des préoccupations, mais elle reste énigmatique, inaccessible, et c'est le fait que l'on n'y entre pas immédiatement, qu'elle reste en bordure de la réalité, qui participe également de cette instauration d'ambiance. Steven ne se décide pas à y entrer avant la troisième partie, mais on a une véritable mise en place d'atmosphère tout au long des deux premières qui nous donne l'impression que ce n'est pas lui qui va à la forêt, mais la forêt qui vient à lui. Tout cela nous donne l'impression que le bois exerce une attraction sur le personnage, et que, lorsqu'il y pénètre enfin, il est définitivement happé par cet environnement surnaturel et inquiétant.

La troisième partie dans la forêt, est émaillée, du moins au début, de divers extraits de journaux, celui de George Huxley, au début, qui font écho à la progression de Steven et de son compagnon, Harry Keeton, et enfin le journal de Keeton lui-même, qui, en plus de nous donner un point de vue extérieur sur Steven et sur son interaction surprenante avec les mythagos du bois de Ryhope, éveille notre curiosité sur la véritable quête qui a amené Keeton à accompagner Steven. On remarque ainsi non seulement que, malgré son mépris au début pour les travaux de son père, Steven finit par marcher sur ses traces, mais on réalise également que son rôle dans l'histoire des mythagos n'est peut-être pas anodin. Finalement, réalité et légende se retrouvent imbriqués de façon à ce qu'il ne soit plus possible de les discerner l'un de l'autre, la limite devient floue, l'existence des mythagos et des humains finissent par se refléter et se compléter. La fin, assez ouverte, reflète parfaitement cette confusion entre le monde réel et mythique, et les interrogations qui persistent sur le véritable rôle de Steven dans la légende.

Finalement, j'ai beaucoup apprécié cette lecture, et la plume de Robert Holdstock, qui parvient à nous emporter progressivement et presque imperceptiblement d'un univers où les règles nous sont familières à une dimension complètement différente, ce qui crée une impression déstabilisante, le sentiment de perdre pied quelque part entre le monde réel et la lisière du bois de Ryhope. Je tâcherai sûrement de lire la suite, et d'autres oeuvres de cet auteur (j'ai d'ores et déjà Le Bois de Merlin dans ma PAL ^^)

Dix-neuvième livre lu dans le cadre du challenge God Save the Livre

Et huitième livre lu dans le cadre du challenge ABC Fantasy/Bit-lit