mardi 10 avril 2012

Le Rendez-vous (Littéraire!?) de Minidou et Marmotte, Chapitre 1: Illuminations - Arthur Rimbaud

Une nouvelle rubrique encore une fois initiée par Marmotte (bon, d'accord, un peu par moi aussi), dans laquelle, tous les deux mois, nous vous présenterons nos impressions sur une oeuvre littéraire, pas forcément classique, mais toujours un peu difficile ou hors des sentiers battus, pour laquelle il nous a semblé intéressant de confronter nos avis. Ce mois-ci, nous commençons donc avec les Illuminations d'Arthur Rimbaud.



Rimbaud a dix-neuf ans lorsqu'il entreprend l'écriture de ses derniers poèmes qui constitueront les Illuminations. En 1875, à vingt ans, il choisit le silence. De l'homme comme de son œuvre, on a, depuis plus d'un siècle, tout dit et tout écrit : adolescent génial, voyou voyant, poète maudit, mythe moderne de la révolte. Il reste donc à lire ses textes et à partager une aventure poétique unique.



Avec les Illuminations, on se trouve face à un recueil de petits poèmes en prose, a priori indépendants les uns des autres, parfois avec une forme à demi versifiée, une mise en page particulière qui déstabilise un peu le lecteur, qui ne se trouve en face ni de véritable prose, ni de véritable vers. Rimbaud y aborde des thèmes variés avec une parfaite maîtrise des mots et de leur sonorités. Les poèmes sont dans l'ensemble très courts, mais le poète en est toujours (ou du moins, très souvent) partie prenante, plus ou moins directement, qu'il soit acteur, ou simple spectateur.

Les titres des poèmes sont parfois un indicateur utile de leur contenu, car le recueil des « Illuminations » porte en effet bien son nom. L'ensemble, malgré la variété des sujets, est porté par une ambiance très onirique, un peu hallucinée, comme une sorte de rêve éveillé.

Le texte est de ce fait un peu obscur à la première lecture (souvent à la deuxième aussi, d'ailleurs), mais c'est cette opacité qui fait que l'on s'attache d'abord aux mots, aux sons, avant d'essayer de comprendre le sens du texte. On note ainsi l'importance de la ponctuation (ou de son absence) qui définit une musique du poème, soit qu'elle heurte le rythme, soit qu'elle le fluidifie. Tantôt le texte est lent et contemplatif, tantôt il s'accélère et s'enflamme. En cela, il répond au ton et aux images que l'on retrouve dans ces poèmes, qui oscillent entre une certaine douceur, une extase euphorique ou un sentiment de révolte parfois violent.

On trouve quelques images récurrentes dans certains poèmes: la nature, calme et accueillante (et parfois associée à des images mythologiques ou merveilleuses), les paysages urbains, tantôt contemplatifs (les Ponts) ou en vie et en mouvement (Ville). J'ai eu l'impression aussi que le poète appuyait beaucoup sur des moments de transition, comme l'aube (l'aube d'été que l'on rencontre à plusieurs reprises) ou encore le couchant, des moments propices à la rêverie, voire au fantasme, qui correspondent bien à l'ambiance générale du recueil.

Bref, c'est un recueil très court, mais finalement assez ardu, si l'on veut entrer dans le détail, même avec quelques notions sur la poésie rimbaldienne. Chaque poème peut être sujet à des interprétations diverses, mais peut aussi parfaitement s'en passer. La musique des mots est en effet telle que l'on peut trouver du charme aux poèmes et se sentir touché, même sans savoir exactement de quoi il est question. Un recueil qui porte donc à la perfection son titre d'Illuminations.

Un petit extrait:

Mystique

Sur la pente du talus, les anges tournent leurs robes de laine, dans les herbages d'acier et d'émeraude.
Des prés de flammes bondissent jusqu'au sommet du mamelon. A gauche, le terreau de l'arête est piétiné par tous les homicides et toutes les batailles, et tous les bruits désastreux filent leur courbe. Derrière l'arête de droite, la ligne des orients, des progrès.
Et, tandis que la bande, en haut du tableau, est formée par la rumeur tournante et bondissante des conques des mers et des nuits humaines,
La douceur fleurie des étoiles, et du ciel, et du reste descend en face du talus, comme un panier, contre notre face, et fait l'abîme fleurant et bleu là-dessous.
Et nos impressions, avec Marmotte sur l'influence des autres poètes dans cette oeuvre de Rimbaud.

"Minidou: En parlant de Verlaine, je me demande si le poème « Vagabonds » renvoie à Rimbaud et Verlaine. Je suis retombée dessus tout à l'heure et j'ai eu un moment d'interrogation.

Marmotte: Ouip, je me suis demandée aussi. Mais j'aurais tendance à dire que si on a toutes les deux une même intuition sur la même chose, ça doit plus ou moins tenir la route.

Minidou: Voui! Puis d'après les notes cette fois, c'est Verlaine qui dit lui-même qu'il est représenté dans ce poème. Donc si Verlaine le dit...

Marmotte: c'est que ça doit pas être totalement faux.

Minidou: Voilà. J'avoue que pour les références à Verlaine, j'ai un peu bloqué sur ça, et « Fête d'hiver » qui faisait un peu penser aux Fêtes Galantes. Après j'ai un peu moins fait attention sur le reste.

Marmotte: Moi j'y vois aussi du Baudelaire et du Nerval, et il y a un côté Werther, dans certains poèmes: les mots en allemand, l'éloge et la personnification de la nature, un certain panthéisme... je vais peut-être un peu loin, mais je trouve qu'il y a un côté Werther. Puis l'influence de Baudelaire est très visible dans le fait qu'il a écrit le spleen de Paris. Rimbaud, il a un peu fait le smog de Londres. Puis Nerval, il y a le côté solaire et hermétique, et surtout les invocations aux nymphes, aux anciens dieux, comme dans Les Chimères."

Pour lire la chronique de Marmotte, et savoir par la même occasion ce que nous avons pensé de l'utilité des notes dans la lecture de Rimbaud (et essayer de deviner quel ouvrage fera l'objet de notre prochaine lecture ^^), c'est par ici!


2 commentaires:

  1. Chouette idée et joli post !
    J'aime beaucoup les Illuminations en raison même de leur côté obscur et onirique.
    Pour Werther, j'ai un doute sur la réelle influence de Gœthe sur Rimbaud. L'éloge de la Nature ou le panthéisme me fait tout autant penser à Lamartine.

    Et je file lire l'avais de Marmotte ;)

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    1. Pour Werther, je sais pas si Goethe a pu influencer Rimbaud (en fait j'en ai même aucune idée), mais c'est sans doute le fait de retrouver des mots en allemand dans les poèmes, et le côté balade dans la nature, qui a déclenché l'association d'idées. Je n'avais pas pensé à Lamartine, mais maintenant que tu le dis, c'est vrai qu'il y a aussi une proximité d'atmosphère.^^

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