mercredi 9 janvier 2013

Le Combat d'Hiver - Jean-Claude Mourlevat


Helen et son amie Milena sont pensionnaires dans un orphelinat semblable à une prison où les règles sont très strictes et les punitions sans appel. Aussi, lorsque Helen et Milena quittent l'orphelinat pour ce qui doit être une brève sortie, aucun écart n'est toléré. Mais c'est sans compter Milos et Bartolomeo, deux garçons de l'internat voisin, que les deux filles vont rencontrer en chemin. Lorsque Helen reprend le chemin de l'internat, Milena s'est envolée, avec Bartolomeo. Le premier d'une longue série d'actes de révolte qui vont faire vaciller sur ses bases le pouvoir de la Phalange.

Voilà ma dernière lecture de 2012, une lecture qui par certains aspects m'a rappelé Ceux qui sauront de Pierre Bordage: des adolescents qui deviennent d'un coup clandestins, qui luttent pour renverser un pouvoir oppressif. Mais à la différence de Bordage, j'ai tout de même trouvé que l'on avait chez Mourlevat un peu plus d'espoir, aussi bien dans la manière de raconter l'histoire que dans les événements et les personnages eux-mêmes.

Le pouvoir oppressif en question est celui de la Phalange, sur laquelle finalement, assez peu d'informations nous sont données. On ignore si elle a véritablement un chef, qui prend les grandes décisions au sein de ce qui semble être une grande faction, comment elle s'organise concrètement, même si des détails sont distillés par-ci par-là. Le seul membre qui semble diriger toutes les opérations n'est lui-même présenté que comme un exécutant, qui gère une armée de sous-fifres. Mais on ne sait rien non plus sur la manière dont la Phalange est arrivée au pouvoir ni sur ce qu'elle représente.

L'univers lui-même reste assez vague. Le pays où se déroulent les événements n'est jamais nommé, les villes non-plus (on sait simplement qu'au nord, il y a des montagnes, et que la capitale se trouve au sud.). Tout y est également assez intemporel. Il est difficile de déterminer à quelle époque se passe, ou pourrait se passer, cette histoire. Je dis « pourrait se passer », car le cadre du récit en dehors de quelques détails, semble très réaliste et rappelle presque plutôt une uchronie du même genre que la France alternative de Pierre Bordage, ce qui brouille encore les repères (et ajoute à l'impression de ressemblance que j'ai ressentie.)

Pourtant, on entre immédiatement dans le récit grâce à l'écriture de Mourlevat qui est très jolie, simple, mais bien tournée et expressive. D'emblée on s'attache au sort des jeunes pensionnaires de l'orphelinat, on s'indigne devant le traitement qui leur est imposé, on s'émeut déjà à la seule évocation de la voix de Milena qui prendra ben plus d'importance par la suite. La fuite de l'orphelinat intervient très vite, presque brutalement, et la traque qui s'ensuit nous jette très rapidement dans des tensions terribles, d'autant plus qu'elle n'est qu'un prélude à un mouvement de fond qui se développe pendant tout le récit.

On s'attache aussi très rapidement aux personnages principaux: Milena et Bartolomeo, évidemment, mais aussi (j'ai presque envie de dire surtout) Helen et Milos, car c'est leur point de vue qui est le plus souvent convoqué. Leur histoire est celle qui m'a le plus touchée, car ils ont une manière de se croiser, de s'effleurer et de se rater qui m'a parue poignante. Mais le personnage de Milena est également très touchant, et j'ai trouvé admirable dans l'écriture de Mourlevat de parvenir à nous faire entendre sa voix et à la rendre présente et touchante simplement à travers les mots. On s'imagine très bien comment cette voix peut soulever des foules, tant et si bien que l'on a l'impression de l'entendre soi-même.

En dehors du cadre « historique » et géographique très flou, les éléments de SF se font par ailleurs assez discrets. Il y a le côté dystopique évidemment, mais aussi des « espèces » assez étranges, comme les hommes-chiens ou les hommes-chevaux. Même si ces derniers sont techniquement des hommes comme les autres, ils ont néanmoins des caractéristiques, physiques et morales, qui les rendent bien particuliers. Les personnages qui m'ont le plus touchée sont d'ailleurs des hommes-chevaux: Faber, leur chef, et Basile, l'ami de Milos et Bartolomeo, notamment à cause de leur simplicité bon enfant et leur loyauté à toute épreuve.

Bref, dans l'ensemble, c'est un livre à la fois palpitant et émouvant, avec une fin en demi-teinte, mais non dénuée d'espoir, même si tout n'est pas résolu dans le meilleur sens. Une très belle lecture pour terminer l'année 2012!

ma dernière lecture dans le cadre du Baby-challenge SF (qui me fait atteindre les 5/20!)



2 commentaires:

  1. J'ai plutôt aimé ce roman, mais lui ai trouvé quand même pas mal de défauts: pas assez de descriptions sur la dictature, un rythme inégal, pas de vrai "grand méchant" charismatique. C'est agréable à lire grâce au style fluide, mais pas inoubliable à mes yeux.

    RépondreSupprimer
  2. Un roman qui m'a captivé jusqu'à la fin ! Je trouve les personnages très prenants, et j'adoooore le style d'écriture de Mourlevat :)

    RépondreSupprimer