mardi 9 juillet 2013

Le Cycle d'Alamänder, tome 1 : Le T'Sank - Alexis Flamand



 Dites adieu aux orques, aux elfes, aux dragons !
Aujourd’hui, vous partez pour Alamänder. Allez donc saluer Anquidiath, le demi-dieu enfoui sous la montagne, chatouiller les monstrueux poulpes de guerre, flâner parmi les épis du champ de blé carnivore ! Aurez-vous le cran de suivre Maek, jeune homme en quête d’une mythique école d’exécuteurs ? Serez-vous digne de devenir le disciple de Jonas, détective spécialisé dans les affaires criminelles magiques ? Si c’est le cas, préparez-vous à découvrir un monde où se côtoient humour, intrigues policières et créatures improbables.
Un monde original et farfelu d’où vous ne reviendrez peut-être pas indemne. On vous aura prévenu.

Ce livre m'avait inexplicablement sauté dans les mains lorsque j'avais rencontré son auteur à la Comic Con de 2012. Sa dédicace est d'ailleurs très amusante, avec un petit visa d'entrée en Alamänder et... un enrôlement d'office dans l'armée du royaume (je n'en demandais pas tant). Sans compter mon admission à travailler gratuitement à la gloire du royaume en tant que documentaliste à la bibliothèque royale de Kung Bohr, ou encore la petite carte de visite vantant les mérites du pain de blé carnivore ("à consommer avant qu'il ne vous consomme"). Bref, avant même d'ouvrir le livre, je savais déjà que j'allais avoir affaire à un ouvrage drôle, original et déjanté, et je n'ai pas été déçue.

C'est en effet dès le début un livre vif, et plein d'humour, on sent que l'auteur s'est amusé à l'écrire, mais cet humour reste bien dosé et ne vient pas pour autant étouffer la cohérence de l'intrigue. Car malgré ses aspects farfelus, le récit est inventif et prenant et laisse subsister suffisamment de questions et d'ambiguïtés pour piquer la curiosité du lecteur, non seulement sur l'intrigue elle-même et le destin de ses personnages, mais sur cet univers étonnant, loufoque et plein de surprises. La narration également est vive et dynamique, teintée d'un humour très pince-sans-rire qui fait très souvent mouche, et ce dès les premières pages.

Car comme l'auteur le dit lui-même, point ici d'Elfes, d'Orques, d'inévitables trolls, dragons, et autres poncifs de la fantasy. En créant son propre univers, Alexis Flamand y a également inclus tout un bestiaire fantasque, plus ou moins dangereux, ainsi que des végétaux originaux et pas toujours amicaux (le plus notable d'entre eux étant naturellement le blé carnivore. Une idée qui prête à sourire au début mais qui, une fois que l'on a vu le fameux blé à l'oeuvre, finit par faire froid dans le dos.) On y rencontre donc des skorjs, des sortes de poulpes qui servent de montures et qui ne cessent de nous suprendre, ou encore des moufres, des animaux herbivores plutôt laids, mais qui se cuisinent apparemment plutôt bien.

On nous décrit également en détail le fonctionnement de la magie, ou plutôt de différents types de magie existant en Alamänder. Encore une fois, c'est une trouvaille bien imaginée, intriguante et sur laquelle on ne cesse d'apprendre des choses. L'idée du tissage d'aura a le mérite d'être sufisamment imagée pour ne pas perdre le lecteur et en même temps suffisamment délicate pour que l'on devine derrière cette pratique une délicieuse complexité. Et encore, il s'agit seulement de la magie utilisée par Jon Alamänder, mais au fil du texte, on découvre d'autres manières de plier la réalité qui nous laissent deviner beaucoup d'autres choses à apprendre à ce sujet.

L'auteur aime aussi jouer avec son lecteur, le lancer sur des pistes et le mener finalement vers tout autre chose. Deux intrigues distinctes se déroulent dans ce tome, sans apparemment avoir de lien entre elles. D'un côté, on suit donc Jonas Alamänder, un mage-questeur qui tente d'éviter que sa demeure, fraîchement annexée au royaume Kung-Bohréen ne soit démolie, et de l'autre Maek, un jeune garçon un chouïa psychopathe qui tente de trouver l'école T'Sank en traversant des champs de blé carnivore. On se doute bien que ces deux personnages doivent être liés d'une façon ou d'une autre, mais la nature de ce lien ne nous est révélée qu'assez tard dans le livre, et seulement par une allusion à moitié compréhensible (mais on nous le dit bien: c'est pour nous obliger à acheter le tome suivant =p).

On a donc une alternance entre une narration d'un côté plus farfelue, pleine de rebondissements, entre les mésaventures de Jon, son voyage et son enquête, et de l'autre un récit plus dur, plus sombre, où l'on suit la progression ardue et parfois désespérée de Maek vers une école dont il ignore tout, au sein d'une nature qui tâche à la fois de le garder en vie et de le faire souffrir de toutes les façons possibles. Car ce qui fait tout l'intérêt de ce livre, c'est aussi cette manière qu'a l'auteur de mêler humour et sérieux, d'alterner les moments drôles et rocambolesques à d'autres plus sombres, voire dramatiques. Si la plupart des chapitres consacrés à Jon, se révèlent souvent assez drôles (même s'il lui en arrive aussi des vertes et des pas mûres, son esprit acéré et son bon caractère lui permettent de se sortir de bien des mauvais pas, tout en nous le rendant fort sympathique) l'odyssée du jeune Maek à travers les blés carnivores, à la recherche de l'école T'Sank est une véritable épreuve de force, qui finit par peser lourdement sur le moral du lecteur lui-même..

Parmi les personnages secondaires on notera également Tech et surtout Edrick, les deux soldats venus exproprier Jon et avec qui il finit par sympathiser au fil de son voyage vers la capitale, et Retzel, démon mineur du Troisième-Cercle-En-Partant-De-La-Gauche, qui apporte un autre élément très drôle au récit. Farceur, indocile, sans aucune sorte de respect pour qui que ce soit, le lien qui l'unit au mage est assez ambigu, et on ne peut s'empêcher de s'attacher à lui, car même s'il peut parfois se montrer tout à fait insupportable, il est aussi à l'origine des situations les plus drôles du roman, et ses échanges mordants avec le mage sont très plaisants à lire. J'ai également beaucoup aimé Vance et Ernst, la dynamique qui se crée entre ces deux personnages et Jon. On ne sait jamais trop sur quel pied danser avec eux et j'aime beaucoup ça.

Pour finir le livre sur une note d'humour, on retrouve, dans les dernières pages, tous les personnages principaux du livre en compagnie de l'auteur, pendant qu'ils échangent leur point de vue sur le roman, leurs passages préférés et ce qui les attend dans le tome 2, avant d'enchaîner sur les remerciements. J'ai trouvé l'idée fort amusante, comme si le livre était une mise en scène orchestrée par l'auteur pour des personnages qui jouent leur propre rôle, et que ces dernières pages donnaient un aperçu des coulisses. Le plus drôle est certainement le décalage entre les personnages tels qu'ils sont dépeints dans le roman, et tels qu'ils s'expriment dans cette postface (Maek et Retzel en tête). Enfin, les petits indices donnés sur la suite donnent fortement envie de se procurer le tome 2!

Un livre lu dans le cadre du challenge ABC - Littératures de L'imaginaire.

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