vendredi 21 décembre 2012

Ender Wiggin, book 1: Ender's game - Orson Scott Card

 
Andrew Wiggin, dit Ender, est un Troisième, le troisième enfant d'une fratrie de surdoués, une place difficile à avoir dans un monde où seuls deux enfants par famille sont autorisés. Mais si Ender est né, c'est pour une raison bien précise: l'armée a besoin de lui dans la guerre qui oppose les terriens et les Doryphores. Alors qu'il n'a que six ans, Ender est séparé de sa famille et emmené à l'école militaire où il sera entraîné à devenir un stratège capable de mener les humains à la victoire.

Voilà un livre dont j'entendais parler depuis un moment sans vraiment me laisser tenter. Heureusement qu'il se trouvait dans la liste du Baby-challenge SF, sans quoi je ne l'aurais sans doute jamais ouvert, et cela aurait été dommage, car j'ai vraiment passé un très bon moment en le lisant. Même si l'action n'est pas à proprement parler trépidante, on entre très bien dans l'univers d'Orson Scott Card, et l'on se plaît à faire des suppositions, à suivre le parcours d'Ender, à voir à travers ses yeux et ressentir ce qu'il ressent.

Car même si l'écriture reste finalement assez simple, le fait d'assister à toute l'histoire à travers le regard d'Ender nous fait en fait ressentir dès le début beaucoup d'empathie pour le personnage, d'autant plus quand on sait ce que les professeurs de l'école militaire lui font subir volontairement. Car chaque chapitre s'ouvre sur un échange assez cynique, parfois teinté de remords, mais malgré tout assez révoltant entre les professeurs qui s'évertuent à faire subir à Ender les pires épreuves: l'isolement, la haine, l'épuisement et la pression monstrueuse qui est mise sur les épaules de ce gamin nous rendent rapidement très sensible à son sort.

D'autant plus qu'Ender, même s'il est d'une bonne nature au départ, est tout de même un garçon assez ambivalent. Remarquablement intelligent, il est capable d'analyser une situation critique pour savoir quelle conduite adopter, et n'hésite pas à utiliser la violence pour se faire respecter. Non pas une violence brute, primitive, mais une violence calculée et réfléchie, qui finalement le rend d'autant plus ambigu. Les parallèles qui sont fait avec son frère aîné qui, lui, est une graine de psychopathe sont dérangeants, car d'un côté on veut croire que ce sont les circonstances imposées à Ender qui le forcent à se montrer sans merci, et d'un autre on craint aussi qu'il n'ait finalement hérité de quelques instincts de tueur, qui le rendent parfois franchement effrayant.

Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas à proprement parler d'action dans la plus grande partie du livre. La majorité est consacrée à l'entraînement militaire d'Ender, sous forme de bataille en apesanteur, de « jeux » confrontant différentes équipes, ou de simulations de combat. Ce qui est intéressant est de voir les différents obstacles auxquels est confronté Ender, aussi bien au niveau physique et stratégique (apprendre à se mouvoir en apesanteur, à utiliser à son avantage les moyens mis à sa disposition, y compris les « handicaps ») qu'au niveau humain (l'isolement calculé par les professeurs, les amitiés et les haines qu'il peut susciter). Même si l'on sait parfaitement qu'il peut se tirer de chaque situation grâce à son intelligence, il est intéressant d'observer l'impact que chaque épreuve a sur lui et sur ses relations avec les autres, ainsi que de voir comment il réussit peu à peu à s'imposer au sein de l'école militaire, malgré les difficultés, tout en étant parfaitement conscient qu'il n'est qu'un pion sur l'échiquier de l'armée.

Ce que j'ai trouvé un peu plus perturbant est la maturité dont font preuve tous les enfants de l'école militaire, malgré leur très jeune âge. Certes ils sont surdoués, mais dès le début, Ender, qui a six ans, est amené à se comporter comme un adulte, ce qui fait que l'on voit finalement une évolution assez mince entre le Ender de 6 ans, et celui que l'on voit par exemple 10 ans plus tard... Si l'auteur ne précisait pas régulièrement les âges des enfants, on imaginerait plutôt des adolescents, et un Ender plutôt âgé de 13 ans, au moins, que de 6. A la fin, il est même plus facile de se les imaginer dans cette tranche d'âge que vraiment comme des enfants. Cet effet est cohérent avec le récit, puisque finalement on demande à ces enfants de se conduire et de se battre comme des adultes. Mais le décalage n'est pas très fortement marqué, et l'on ressent assez peu l'extrême jeunesse d'Ender, même au début du roman (malgré son génie, on pourrait penser qu'il manquerait d'une certaine maturité émotionnelle ou quelque chose de ce genre... mais si cette idée est effleurée, elle est malheureusement assez peu visible.)

Outre la majorité des moments où l'on suit la formation (ou la manipulation) militaire d'Ender, on a également quelques passages (que j'ai trouvé trop rares malheureusement) mettant en scène Valentine et Peter, les deux aînés d'Ender. Ils sont intéressant notamment parce qu'ils sont toujours montrés du point de vue de Valentine, sans arrêt en train d'osciller entre sa nature assez douce et malgré tout une intelligence redoutable qui peut la rendre manipulatrice malgré elle. Et cela donne une certaine opacité au personnage de Peter, intéressant par son côté glacial, calculateur (un aspect de sa personnalité que Valentine d'une certaine manière tourne à son avantage, au point où l'on ne sait plus finalement qui manipule l'autre, qui a une longueur d'avance sur l'autre). Ce jeu du chat et de la souris entre ces deux personnages est très intéressant, mais n'est vraiment abordé que très peu, au travers de moments intenses, mais relativement brefs.

On a l'impression à la fin d'une formidable imposture, dans la mesure où l'on se rend compte que l'auteur s'est un peu joué de nous comme les professeurs se jouent d'Ender tout au long du livre, en prétendant nous amener à quelque chose, sans nous dire que nous y étions déjà plongés jusqu'au cou. Un événement particulier nous fait d'un seul coup reconsidérer tout le livre, avec la vague impression d'avoir été arnaqué sur la marchandise. C'est une sensation très bizarre, et relativement originale, car finalement là où l'on s'attendait à une apothéose, on se trouve soudain devant un grand vide, un peu comme doit le ressentir le personnage principal. Ce qui pourrait être un point négatif m'a finalement marqué de façon plutôt positive. J'ai été moins convaincue par la rapidité du dénouement, qui finalement raconte une très longue période en quelques dizaines de pages, sans tellement s'appesantir sur les conséquences de certains actes. En revanche, j'ai bien aimé le retournement de situation final, que j'ai trouvé à la fois poétique et dérangeant, et laissant présager une suite assez intéressante.

Je garde pour la fin le but de toute la stratégie déployée dans le livre: la guerre contre les « buggers » (doryphores en français). Pour la fin, car finalement pendant toute une bonne partie du livre, ils sont relégués à l'arrière plan, comme une menace distante, une sorte de bruit de fond tellement discret qu'on en vient parfois à se demander si ces fameux buggers existent réellement s'ils ne sont pas simplement une invention des gouvernements destinés à couvrir autre chose. Finalement tout le monde a peur de ces bestioles qui nous apparaissent un peu comme des légendes du grand méchant loup que l'on raconte au enfants pour qu'ils restent sages, et dans cette société très contrôlée, on en vient parfois à douter même de leur existence.

Bref, ce livre est une découverte assez originale, même si certaines choses que je trouvais intéressantes m'ont paru trop peu développées, et si j'ai souvent eu l'impression de me faire manipuler par l'auteur, je me suis également beaucoup attachée à certains personnages et eu de grands pics d'émotion, notamment d'angoisse, de malaise, voire de colère qui font que j'ai parfois eu du mal à le refermer. Je lirai sans aucun doute le tome 2, car le dernier chapitre du tome 1 ouvre sur des possibilités qui risquent de s'avérer très intéressantes!

Un livre lu dans le cadre du Baby-challenge SF (ce qui me fait 4/20!)

et pour le challenge hivernal Des boulons sous le sapin!

2 commentaires:

  1. Joli article !

    Contrairement à ce que tu viens d'exposer, les passages sur Peter et Valentine m'ont pesé. Mais, la fin me laisse un gout amer, pas d'imposture, j'avais pressenti que le diplôme était "réel" ! Non, c'est cette tournure pseudo religieuse qui m'a bloqué.

    Je ne lirai pas la suite, car je la sais très axée sur les points qui m'ont déplus. Biz

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  2. j'ai beaucoup aimé cette lecture! j'ai trouvé l'intrigue très fine!

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