dimanche 20 mars 2011

Le Passeur - Lois Lowry


Dans la société où vit Jonas, tout est surveillé et rien n'est laissé au hasard. Pas d'individualité, pas de choix, pas de véritables sentiments. La vie de chaque personne est minutieusement réglée jusqu'à l'intérieur de la cellule familiale et tout ce qui est différent dérange. Tous ceux qui transgressent les règles sont « élargis », mais personne ne sait ce qui se cache derrière ce terme mystérieux. Au moment où s'ouvre le récit, un évènement décisif approche pour Jonas: la cérémonie des douze-ans, où il va enfin se voir attribuer le métier qu'il exercera au sein de la communauté.

Autant le dire tout de suite, ce livre a été un véritable coup de coeur, principalement parce que j'avais quelques appréhensions au vu du résumé. Je m'attendais à un livre dans l'esprit de Fahrenheit 451, ou Le Meilleur des Mondes, des livres fort intéressants, que j'ai dévoré par ailleurs, mais qui ont tendance à me laisser déprimée et même assez amère. J'ai donc été agréablement surprise par l'atmosphère qui se dégage de ce livre, qui, s'il plante un décor fort semblable à celui des romans d'anticipation cités plus haut, l'évoque avec beaucoup plus de finesse. Le fait de nous faire entrer dans cet univers par le point de vue de Jonas, un enfant de douze ans parfaitement intégré au système, nous permet de nous familiariser avec les règles du monde décrit, de les comprendre de son point de vue.

Moins qu'une impression alarmiste de vacuité ou d'absurdité, ce qui frappe tout d'abord est l'idée d'une harmonie, artificielle certes, mais harmonie tout de même. On sent évidemment que le monde tout entier cloche, avec sa société réglée comme du papier à musique, ses lois qui contrôlent la vie de chacun jusque dans l'intimité de la famille, jusque dans leur manière de parler, l'absence d'individualité, et la menace constante et mystérieuse de l' « élargissement ». Mais dans toute la première partie du livre, le point de vue de Jonas qui ne connaît pas d'autre système ne permet pas de prendre la pleine mesure de tout ce qui a été banni de ce nouveau monde. Il semble même fonctionner relativement bien: chacun reçoit un métier correspondant à ses goûts et ses aptitudes, les couples sont formés par affinités, des rites collectifs sont établis, comme le partage des sentiments de la journée, des cérémonies et même les formules de politesse... La déshumanisation est plus légère que ce à quoi l'on pourrait s'attendre dans une société aussi contrôlée et surveillée, et l'on sent de par cet apparent paradoxe qu'il y a anguille sous roche.

De fait, le reste de l'histoire mène peu à peu à la prise de conscience, avec beaucoup de subtilité, grâce à l'apparition du personnage du Passeur. Tout comme Jonas, on ne découvre ce qui manque à la société qu'au moment précis où l'enfant devient capable de le percevoir et ne peut plus ignorer ce manque. C'est donc progressivement que ce monde devient intolérable, au fur et à mesure du cheminement de Jonas. Jusqu'à la révélation de l'élargissement qui est rendue encore plus choquante du fait que l'on devine assez rapidement sans grande difficulté en quoi cela consiste vraiment. Sans doute par un choix de l'auteur, car le fait de garder apparemment le mystère tout au long du livre, de voir les personnages émettre des hypothèses variées introduit un doute dans l'esprit du lecteur qui ne fait que renforcer le choc de la « révélation »... juste quand on espérait que ce n'était pas ce qu'on pensait, on découvre qu'en réalité, c'est précisément cela, dans toute sa froideur et toute son horreur.

Je précise encore que mon coup de coeur dans ce livre va au petit Gabriel, sans doute en raison de la menace qui pèse sur lui (la raison justement pour laquelle on aimerait bien se tromper au sujet de l'élargissement ^^''). Difficile de parler de ce livre sans trop en révéler, mais il y aurait bien plus à dire à ce sujet, le formatage du langage et de la perception, la superficialité des relations entre les personnages, le cheminement de Jonas qui mène à sa décision finale... une fin abrupte qui laisse le lecteur sur sa faim, mais qui du coup semble d'autant plus belle, parce que plus ouverte. Bref, un vrai coup de coeur difficile à rendre en une seule bête chronique ^^!

Un livre lu dans le cadre du Baby challenge Jeunesse

4 commentaires:





  1. Je viens tout juste de finir de le lire : j'ai été un peu déçue par les derniers évènements ; tout se déroule beaucoup trop vite et c'est dommage !





    Merci d'être passée :)






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  2. C'est vrai que la fin est un peu rapide, mais ça ne m'a pas trop gênée, bizarrement, ça laisse une impression d'inachèvement qui correspond bien à la fin du livre, et son côté ouvert, je

    trouve... enfin, en tout cas, c'est l'impression qu'il m'en reste ^^!






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  3. Le passeur est vraiment un grand livre, le genre qui ne laisse pas indemne. Je trouve qu'il serait dommage de ne pas le lire !





    Je viens d'ailleurs de publier mon avis sur mon blog...





     





    Joli article, je reviendrais ;)





    Bonne continuation !!






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  4. C'est vrai, c'est écrit avec simplicité et pourtant bouleversant ^^! D'ailleurs Marmotte m'a prêté la suite, il faut que je la lise! 






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