L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d'une humanité retournée à la barbarie.
Voilà un livre qui m'a profondément déstabilisée, qui m'a également touchée, et pour lequel j'ai énormément de mal à donner un avis. Je pense qu'il faudra que je laisse décanter tout ça, et même que je le relise pour essayer de voir tout ce que l'auteur a cherché à faire passer et que j'ai certainement raté à la première lecture. En tout cas, une chose est sûre, c'est qu'il ne m'a pas laissée indifférente, et ce dès les premières pages.
Ce qui frappe d'abord dans ce roman, c'est le style. Il est très particulier, et visiblement, les avis sur la question sont partagés. On peut trouver que l'écriture est plate, fade, sans émotion, et c'est vrai dans un certain sens. Inutile de chercher ici des envolées lyriques, de belles phrases ciselées comme de petits bijoux, de beaux sentiments appuyés par une plume poétique... D'abord Cormac McCarthy n'a pas de plume. Il écrit au burin sur des tablettes en pierre, et fait compter chaque mot parce que chaque mot demande un effort.
Voilà pourquoi le style de McCarthy est surprenant. Loin d'être inexistant ou sans intérêt, à mon sens, il fait partie intégrante du récit, comme un personnage ou un paysage. Des successions de phrases brèves et lapidaires, des accumulations pesantes de propositions coordonnées, une quasi absence de ponctuation (les virgules sont rares, les points d'exclamation inexistants, même les apostrophes des formes contractées sont omises (« wont », « dont »), le style lui même semble à bout de souffle, à bout de ressources, et ne plus penser qu'à mettre une lettre après l'autre pour raconter son histoire, comme les personnages qui avancent tant bien que mal sur la route.
J'ai d'abord été déroutée (haha) par cet apparent dénuement, mais c'est aussi cela qui m'a poussée à essayer de mieux comprendre les choix d'écriture de l'auteur. La forme particulière de ce roman oblige en effet à en faire une lecture active, à réfléchir à tout ce qui n'est pas dit, et ce n'est qu'à partir du moment où l'on fait cet effort que la lecture devient vraiment fascinante. Mais soyez prévenus, et si vous cherchez une lecture pour vous vider l'esprit et vous détendre, passez votre chemin.
L'action, si l'on peut parler d'action, réside principalement dans des détails, des riens. Trouver de la nourriture, se protéger de la pluie, se cacher des hommes qui se trouvent eux aussi sur la route... On finit par frémir avec eux à la moindre boite de conserve, parce que c'est ce qui devient le plus important. On ne sait pas, finalement, ce qui pousse le père et l'enfant à suivre cette route alors que la désolation semble être la même partout. Mais ils survivent, ils sont ensemble, et c'est là dessus que se concentre le propos.
Les dialogues sont relativement fréquents, mais les répliques sont brèves, pas plus de deux ou trois mots la plupart du temps, notamment un « Okay » qui revient souvent dans la bouche de l'enfant et qui m'a souvent laissée perplexe. C'est à la fois une approbation, une résignation, parfois même une façon de simplement mettre un terme à la conversation. On a l'impression que les personnages, et surtout le père, ressentent le besoin de parler, uniquement pour ne pas rompre la communication, pour qu'à la désolation apocalyptique ne s'ajoute pas en sus le néant du silence. Et même si la substance des dialogues est souvent maigre, elle est malgré tout souvent pleine de sous entendus.
Finalement très peu de choses sont réellement dites, dans ce roman, quand on y regarde de près. A commencer par le nom des personnages (ils sont « the boy » et « the man » jusqu'à la fin), leur passé (on a quelques éléments à travers les souvenirs du père, mais mais plus sous forme de bribes décousues qu'autre chose) les circonstances qui ont mené à cet environnement apocalyptique... l'auteur donne suffisamment d'indices au lecteur pour lui permettre de formuler des hypothèses, mais sans jamais les confirmer ou les infirmer, parce que ce n'est pas vraiment l'essentiel, en définitive.
Même si l'on ne peut pas vraiment parler d'action ou de rebondissements, le livre est tout de même rempli de passage très forts, parfois même violents, autant par les actes que par les mots. Jusqu'au bout, les personnages sont humains et en témoignent tous deux de façon différente. Difficile d'en dire plus sans dévoiler des éléments forts du récit, mais disons que l'attachement et la dépendance des deux personnages l'un par rapport à l'autre se traduit par des réactions parfois irrationnelles, parfois violentes voire cruelles, parfois touchantes et très belles, mais toujours simplement humaines.
Bref, même s'il faut s'accrocher pour entrer dans le récit, s'il ne faut pas s'attendre à des rebondissements à chaque page et s'il faut se préparer à entrer dans un univers laborieux et sans pitié, c'est un livre à lire, ne serait-ce que pour sa qualité stylistique et la force de sa narration. C'est un roman exigeant, qui oblige constamment à s'interroger sur les choix de l'auteur, mais c'est aussi certainement ce qui en fait un livre aussi marquant.
Ce qui frappe d'abord dans ce roman, c'est le style. Il est très particulier, et visiblement, les avis sur la question sont partagés. On peut trouver que l'écriture est plate, fade, sans émotion, et c'est vrai dans un certain sens. Inutile de chercher ici des envolées lyriques, de belles phrases ciselées comme de petits bijoux, de beaux sentiments appuyés par une plume poétique... D'abord Cormac McCarthy n'a pas de plume. Il écrit au burin sur des tablettes en pierre, et fait compter chaque mot parce que chaque mot demande un effort.
Voilà pourquoi le style de McCarthy est surprenant. Loin d'être inexistant ou sans intérêt, à mon sens, il fait partie intégrante du récit, comme un personnage ou un paysage. Des successions de phrases brèves et lapidaires, des accumulations pesantes de propositions coordonnées, une quasi absence de ponctuation (les virgules sont rares, les points d'exclamation inexistants, même les apostrophes des formes contractées sont omises (« wont », « dont »), le style lui même semble à bout de souffle, à bout de ressources, et ne plus penser qu'à mettre une lettre après l'autre pour raconter son histoire, comme les personnages qui avancent tant bien que mal sur la route.
J'ai d'abord été déroutée (haha) par cet apparent dénuement, mais c'est aussi cela qui m'a poussée à essayer de mieux comprendre les choix d'écriture de l'auteur. La forme particulière de ce roman oblige en effet à en faire une lecture active, à réfléchir à tout ce qui n'est pas dit, et ce n'est qu'à partir du moment où l'on fait cet effort que la lecture devient vraiment fascinante. Mais soyez prévenus, et si vous cherchez une lecture pour vous vider l'esprit et vous détendre, passez votre chemin.
L'action, si l'on peut parler d'action, réside principalement dans des détails, des riens. Trouver de la nourriture, se protéger de la pluie, se cacher des hommes qui se trouvent eux aussi sur la route... On finit par frémir avec eux à la moindre boite de conserve, parce que c'est ce qui devient le plus important. On ne sait pas, finalement, ce qui pousse le père et l'enfant à suivre cette route alors que la désolation semble être la même partout. Mais ils survivent, ils sont ensemble, et c'est là dessus que se concentre le propos.
Les dialogues sont relativement fréquents, mais les répliques sont brèves, pas plus de deux ou trois mots la plupart du temps, notamment un « Okay » qui revient souvent dans la bouche de l'enfant et qui m'a souvent laissée perplexe. C'est à la fois une approbation, une résignation, parfois même une façon de simplement mettre un terme à la conversation. On a l'impression que les personnages, et surtout le père, ressentent le besoin de parler, uniquement pour ne pas rompre la communication, pour qu'à la désolation apocalyptique ne s'ajoute pas en sus le néant du silence. Et même si la substance des dialogues est souvent maigre, elle est malgré tout souvent pleine de sous entendus.
Finalement très peu de choses sont réellement dites, dans ce roman, quand on y regarde de près. A commencer par le nom des personnages (ils sont « the boy » et « the man » jusqu'à la fin), leur passé (on a quelques éléments à travers les souvenirs du père, mais mais plus sous forme de bribes décousues qu'autre chose) les circonstances qui ont mené à cet environnement apocalyptique... l'auteur donne suffisamment d'indices au lecteur pour lui permettre de formuler des hypothèses, mais sans jamais les confirmer ou les infirmer, parce que ce n'est pas vraiment l'essentiel, en définitive.
Même si l'on ne peut pas vraiment parler d'action ou de rebondissements, le livre est tout de même rempli de passage très forts, parfois même violents, autant par les actes que par les mots. Jusqu'au bout, les personnages sont humains et en témoignent tous deux de façon différente. Difficile d'en dire plus sans dévoiler des éléments forts du récit, mais disons que l'attachement et la dépendance des deux personnages l'un par rapport à l'autre se traduit par des réactions parfois irrationnelles, parfois violentes voire cruelles, parfois touchantes et très belles, mais toujours simplement humaines.
Bref, même s'il faut s'accrocher pour entrer dans le récit, s'il ne faut pas s'attendre à des rebondissements à chaque page et s'il faut se préparer à entrer dans un univers laborieux et sans pitié, c'est un livre à lire, ne serait-ce que pour sa qualité stylistique et la force de sa narration. C'est un roman exigeant, qui oblige constamment à s'interroger sur les choix de l'auteur, mais c'est aussi certainement ce qui en fait un livre aussi marquant.
Un excellent roman, vraiment très frappant et poignant !!
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