mercredi 12 juin 2013

Vingt ans après - Alexandre Dumas

Vingt ans ont passé, les quatre amis ont toujours la même amitié, même si leurs priorités sont, elles, différentes : Athos a un fils Raoul, Porthos pense à son titre de noblesse, Aramis a ses intrigues amoureuses et d'Artagnan sert le cardinal Mazarin, de plus en plus impopulaire. Néanmoins leur solidarité et leur envie sont toujours au rendez-vous pour vivre des aventures en France ou même en Angleterre...

Alors que Les Trois Mousquetaires avait déjà été un coup de cœur, j'ai trouvé cette suite émotionnellement plus forte, et même plus prenante que sa première partie. Les Trois Mousquetaires était en effet, dans l'ensemble, drôle, rafraîchissant, avec une dernière partie plus sombre et une fin en demi teinte. Le deuxième tome, lui, est tout entier dans la droite lignée de cette dernière partie, un peu plus teinté d'amertume et de cynisme, et pourtant tout aussi prenant et rythmé que son prédécesseur.

On se trouve ici en 1648: le roi Louis XIV étant trop jeune pour régner, sa mère, Anne d'Autriche assure officiellement la régence, mais c'est en réalité le cardinal Mazarin qui tient les rênes de la France. Le roman se situe donc dans le contexte de la Fronde, entre la révolte des princes contre le pouvoir de Mazarin, et l'agitation du peuple de Paris. Une division au sein du peuple français qui trouve précisément un écho dans la séparation entre les quatre inséparables des Trois Mousquetaires: vingt ans après, le seul à faire encore partie de la compagnie des mousquetaires est d'Artagnan, toujours en qualité de lieutenant, tandis que les autres se sont dispersés, Porthos marié et vivant de sa fortune, Athos établi tranquillement avec son fils adoptif, Aramis devenu abbé. Cependant les circonstances vont amener nos quatre amis à rejoindre des camps opposés et même parfois à leur insu, à se faire obstacle les uns aux autres.

Ainsi, un des motifs de tension du livre est à plusieurs reprise cette situation un peu embarrassante dans laquelle se trouvent nos héros, Athos et Aramis d'un côté, Porthos et d'Artagnan de l'autre, les uns poussés par la nécessité (ou même par vanité) à se mettre aux ordres du cardinal Mazarin, personnage retors, cupide et rusé, et les autres que leurs principes et leurs idéaux conduisent précisément à tout faire pour contrecarrer les plans du cardinal et servir leur cause. La tension est d'autant plus forte qu'ils ignorent la plupart du temps les mouvements des autres, et il est très crispant de savoir que nos anciens inséparables vont risquer de s'affronter ouvertement, chacun des partis se donnant fréquemment, et souvent sans le savoir, la mission de mettre des bâtons dans les roues de l'autre.

En vingt ans, nos mousquetaires ont eu le temps de changer, et leurs valets aussi. Athos est toujours aussi noble, quoique plus serein et moins torturé à ce qu'il semble, depuis les révélations et la résolution de l'affaire du premier volume, après avoir quitté les mousquetaires et adopté Raoul, vicomte de Bragelonne. Porthos n'a pas non plus particulièrement changé, si ce n'est qu'il est à présent un riche gentilhomme, toujours un peu vaniteux, mais sans méchanceté, un peu lent à la comprenette, mais d'une loyauté presque aveugle à ses amis, et particulièrement ici à D'Artagnan.

D'Artagnan qui lui, en revanche, n'est plus le jeune homme naïf des Trois Mousquetaires et que vingt ans passés à servir la couronne dans l'ombre, à être oublié à son poste, sans considération de ses services passés ont rendu plus amer et cynique. Toujours impulsif, astucieux, maniant le sarcasme avec autant d'adresse que l'épée, cette maturité nous le rend d'autant plus sympathique qu'elle complexifie beaucoup le caractère de ce personnage. Enfin Aramis qui passait déjà pour un élégant dissimulateur dans les Trois Mousquetaires reste plus ou moins égal à lui même ici, si ce n'est qu'il paraît encore plus une tête à gifles que dans le premier tome. Enfin devenu abbé (sa grande vocation dans les Trois Mousquetaires, si l'on se souvient) il soutient encore à qui veut l'entendre, qu'il n'est religieux que par intérim, et qu'il ne souhaite rien tant que redevenir mousquetaire. Son caractère hautain et parfois emporté, et sa capacité à mentir sans sourciller ne vont pas jusqu'à le rendre antipathique (quand même, c'est d'Aramis qu'on parle) mais il faut bien avouer qu'on lui mettrait parfois un bon coup de pied au derrière avec satisfaction. Heureusement, cela le rend plus souvent amusant qu'agaçant, et il a tout de même suffisamment de qualités pour nous rester sympathique.

Du côté des valets, puisque l'on parle d'Aramis, je passe rapidement sur Bazin (qui m'agace vraiment, par contre) et sur Mousqueton, qui en dehors d'être un bon vivant et un sympathique bonhomme, n'est pas particulièrement marquant ici. Ceux qui connaissent une évolution plus notable sont d'abord Planchet, devenu bourgeois et frondeur, amené par hasard à partager à nouveau les aventures de d'Artagnan. Toujours plein d'esprit et de ressource, et malgré tout, toujours dévoué à son ancien maître, il est d'autant plus agréable de le retrouver qu'il s'avère rapidement que d'Artagnan, livré à lui-même, va être d'autant plus heureux de pouvoir compter sur son ancien valet. Mais mon coup de cœur de ce côté, va à Grimaud, qui ne m'avait pas particulièrement frappée dans les Trois Mousquetaires, mais qui acquiert ici un rôle beaucoup plus important. Caractérisé par ce côté taciturne qui a fini par devenir chez lui une seconde nature, il fait preuve d'une loyauté sans borne à l'égard d'Athos, sachant également se montrer vif et plein de ressources, prêtant attention à tout et parlant peu mais bien.

Enfin, difficile de parler des personnages sans parler de Mazarin, pour qui les opinions sont divisées. Si Richelieu, dans les Trois Mousquetaires, nous était dépeint comme un homme rusé et subtil, mais puissant et résolu, Mazarin est présenté comme un individu méprisable par bien des points. Par ses intrigues, son avarice, sa propension à promettre sans donner, à dire sans faire, si ce n'est dans son propre intérêt, il s'attire irrémédiablement le dédain de nos amis, non seulement Athos et Aramis, qui ne s'en cachent pas, mais encore D'Artagnan, qui se trouve lié par sa parole à un homme auquel il ne voue rien du respect qu'il avait pu avoir pour l'ancien cardinal.

Mais nos quatre amis ont également un autre ennemi, mortel, celui là, en la personne du fils de Milady bien décidé à venger sa mère et à récupérer ce qui lui est dû. Il est d'autant plus dangereux que nos mousquetaires ne soupçonnent rien du péril qui les guette, tandis que le fils de Milady est sur leurs traces, et croise leur route de justesse à plusieurs reprises, quand ils ne voyagent pas tout bonnement avec lui sans le savoir. Il y a une sorte de jeu de chassé-croisé entre tous ces personnages qui se retrouvent rassemblés au même endroit par un concours de circonstances, en poursuivant des buts très différents, qui rend l'intrigue haletante quasi en permanence.

Il y a en effet beaucoup de rebondissements, de retournements de situation dus à la fois aux différentes intrigues qui se croisent et se succèdent, aussi bien au niveau de la France et de sa politique, que des histoires personnelles de nos héros: la Fronde, l'agitation de Paris face à Mazarin, les complots pour déjouer les plans du cardinal, mais aussi les événements d'Angleterre, avec Cromwell, l'arrestation de Charles Ier et la révolution dans laquelle nos mousquetaires vont avoir un rôle à jouer.

Mais un autre facteur de tension et de rebondissements est aussi l'ingéniosité de d'Artagnan qui est sollicitée à plusieurs reprises et ne lui fait jamais défaut. Il est tout simplement passionnant de découvrir les manœuvres que peut imaginer son esprit astucieux, et on se retrouve très souvent sur les dents à la lecture, en se demandant comment ces plans parfois hasardeux vont bien pouvoir être mis à exécution, et si un imprévu ne va pas venir tout bouleverser à la dernière minute (ce qui se produit parfois, avec des conséquences plus ou moins dramatiques)

Bref, même si ce deuxième volume des aventures de nos mousquetaires est bien plus sombre, nos héros bien plus malmenés que dans le premier tome où la jeunesse et la naïveté de d'Artagnan donnaient une fraîcheur très bienvenue au texte, c'est une lecture qui m'a également transportée, et je pense que j'aurais encore beaucoup de choses à en dire. Le texte de Dumas est toujours aussi plein d'humour, les répliques des personnages, et surtout de d'Artagnan, toujours aussi piquantes, et ce deuxième tome, plus complexe par beaucoup d'aspects, se révèle aussi plus haletant, plus tendu, mais aussi plein d'émotion. C'est une digne suite aux aventures des mousquetaires, et j'espère que Le vicomte de Bragelonne, dont j'ai déjà entamé la lecture, sera à la hauteur de ces deux premiers roman menés de façon magistrale.

Une lecture faite dans le cadre de la lecture commune organisée par nekotenshi
(mais on est tous à la bourre xD)
avec

2 commentaires:

  1. Jolie chronique!! Oui c'est vrai qu'on était toutes bien à la bourre et je viens juste de finir le livre et mettre en ligne ma chronique ^^
    Contrairement à toi, je n'ai pas trouvé que ce tome était plus prenant, ça m'a vraiment manqué de ne pas voir nos quatre amis du même côtés et de les voir s'affronter régulièrement! En plus, le fils de Milady me stressait vraiment pendant tout le livre!! Hahaha
    Le premier tome est donc de loin mon préféré!

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    1. Je peux comprendre qu'on préfère le tome 1, oui :D! Mais justement, c'est ce côté un peu "stressant" qui m'a plu, et puis il y a un côté moins naïf que dans le premier tome que j'ai vraiment apprécié! Merci d'être passée, je vais rajouter ton lien dans l'article ^^!

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