Ayant survécu au tremblement de terre qui a décimé son clan, et de justesse à un lion des cavernes, Ayla, une fillette de cinq ans, est recueillie par un clan étranger qui la soigne et l'adopte. Seulement, Ayla est une Cro Magnon, et le Clan appartient à la branche des néandertaliens. Les différences physiques, mais aussi et surtout les divergences de comportement et les difficultés d'Ayla à s'adapter aux coutumes du clan ne tardent pas à susciter l'inquiétude, voire la haine, chez certains de ses membres.
Je ne suis absolument pas une spécialiste de la Préhistoire, loin de là (je pense que mes seules connaissances sur le sujet remontent à mes cours de sixième, c'est vous dire l'étendue de mon érudition...) et en commençant ce livre, j'avais un peu peur d'abord que le sujet ne me passionne pas plus que ça, et ensuite de ne pas réussir à entrer dans une histoire prenant place dans un contexte qui m'était si étranger. Si les premiers chapitres ont effectivement nécessité un temps d'adaptation, il ne m'a cependant pas fallu longtemps pour réaliser que je tenais entre les mains une perle, et pour savourer ce roman de bout en bout.
Certes, il faut s'adapter au contexte historique recréé ici par l'auteur, et accepter certains modes de pensée, certaines pratiques sociales qui nous sont complètement étrangers. Et Jean M. Auel parvient à merveille à nous introduire aux coutumes du Clan à travers le personnage d'Ayla qui d'une certaine manière est bien plus proche de nous, et fait le pont entre cet univers et le lecteur. Petit à petit, sans pour autant plonger dans de longs passages d'érudition, Auel nous présente les Clan, leur façon de concevoir le monde, les rapports entre hommes et femmes, leur perception de la nature, de la vie, de la mort,leur hiérarchie, leurs rituels... tout cela à travers le prisme d'Ayla, que ce soit par l'étonnement de la fillette face à des coutumes qu'elle ne comprend pas, ou par le regard des gens du Clan, dont la présence d'Ayla bouleverse les habitudes et les traditions.
C'est à mon avis la grande force de ce roman : On n'a pas affaire ici à une histoire exclusivement centrée sur une étape de l'évolution humaine, mais à un récit qui, au contraire se construit autour de cette idée de transition et d'adaptation nécessaire d'une espèce à une autre, deux espèces dont l'une est vouée à l'extinction et l'autre à l'évolution. J'ai beaucoup aimé la manière dont l'auteur décrivait la façon de penser des néandertal, la façon dont leurs connaissances étaient le fruit de souvenirs accumulés de générations en génération mais qui ne laissait qu'une place très réduite à l'innovation et à l'apprentissage. Le passage qui m'a le plus marquée dans ce sens, est celui où Creb apprend à compter à Ayla et la facilité avec laquelle la petite parvient à comprendre ce qui pour le vieil homme est un savoir compliqué et abstrait.
Voilà pour le contexte historique auquel je ne connaissais rien, et auquel l'auteur nous introduit très efficacement, et visiblement avec une certaine exactitude (rien de tel dans mon édition VO mais visiblement, dans la préface de l'édition française, un paléontologue renommé précise n'avoir rien à redire sur l'exactitude du contexte historique, ce qui est plutôt bon signe. Allez plutôt voir la chronique de Mypianocanta qui en parle mieux que moi ^^). Ensuite, au niveau de l'histoire en elle-même, l'auteur parvient à nous tenir en haleine tout du long, en maintenant constamment une tension entre les actions d'Ayla et la manière dont elle s'inscrit en porte-à-faux avec les coutume du Clan.
Le plus étonnant est que, grâce à la mise en situation très efficace, on en vient très vite à anticiper les réactions du Clan, à se mettre à leur place à voir Ayla à travers leurs yeux, notamment ceux de Creb, Brun, Iza ou Broud qui ont tous des sentiments très différents à l'égard de la jeune fille. Ayla agit de la façon la moins étonnante pour le lecteur, car nous avons comme elle ce côté curieux, impulsif, innovateur (enfin, en règle générale). Mais il ne nous est pas difficile de savoir quand elle fait quelque chose qui risque d'être mal perçu pour le Clan, et d'anticiper avec effroi le moment où elle sera prise sur le fait... Encore une fois, c'est un peu du génie de la part de Jean M. Auel de nous familiariser de la sorte avec un mode de pensée qui nous est a priori totalement étranger.
J'ai surtout aimé voir la manière dont Ayla suscite des réactions et des sentiments très contradictoires chez les personnages. Parmi mes favoris, Brun, le chef du Clan, est sans doute celui qui a le plus de fil à retordre face à cette jeune fille étrange. D'une part parce qu'il doit agir dans l'intérêt du Clan, et que ses propres opinions ont peu de poids en la matière, et d'autre part parce que la présence d'Ayla le met face à des situations totalement sans précédent. J'ai trouvé ce personnage très touchant, dans la mesure où, peu importe ce qu'il pense, il essaye toujours de faire ce qu'il croit le plus juste, faisant parfois preuve en la matière d'une inventivité inattendue et bienvenue.
L'autre personnage qui m'a le plus touché est Creb. En sa qualité de Mog-ur (soit le chef religieux du Clan) il joue un rôle non négligeable dans l'acceptation d'Ayla par le Clan. A la fois lucide sur les différences de l'enfant, il crée néanmoins avec elle un lien très fort et très émouvant qu'il ne peut avoir avec aucune autre personne du Clan, et il est très touchant de voir le Mog-ur que tout le monde craint s'adoucir devant la seule enfant qui n'aie pas peur de lui. Tout comme Brun, il essaye toujours de faire ce qu'il croit le plus juste, mais ses sentiments pour Ayla transparaissent beaucoup plus facilement, ce qui rend certains passages d'autant plus durs.
Il est fascinant, tout au long du roman d'observer ce constant balancement chez Ayla entre son instinct curieux et créatif, et sa volonté d'être acceptée par le Clan qui l'oblige parfois à dissimuler ou lutter contre sa propre nature. Tout comme les réactions contradictoires qu'elle peut susciter, la méfiance, l'étonnement, la reconnaissance, la haine... parfois chez les mêmes personne, parfois tout en même temps. Elle ne laisse personne indifférent, et il est passionnant de la voir ainsi devenir peu à peu une femme du Clan presque à part entière. Broud, le principal antagoniste du récit est également le point de départ de nombreuses situations problématiques qu'il est à la fois passionnant et angoissant de voir se dénouer.
Bref, c'est un véritable coup de coeur que cette lecture qui non seulement m'a fait découvrir une période historique dont je ne savais rien du tout, mais m'a aussi plongée dans un univers rempli de personnages touchants et très attachants. C'est un roman totalement dépaysant qui nous oblige pendant un moment à suspendre toutes nos manières de penser pour entrer dans un système totalement différent. La fin de ce premier tome laisse présager d'une suite tout aussi passionnante, et je me félicite d'avoir les quatre tomes suivants déjà dans ma PAL!
Et dernière chronique pour le challenge ABC de nanet!
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